Le cœur de la Vendée saigne. L’assassinat du père supérieur d’une congrégation religieuse dans le bocage vendéen a suscité hier une vague d’émotion et une onde de choc dépassant et de très loin la seule communauté catholique, comme pour le père Hamel, il y a cinq ans à Saint-Etienne-du-Rouvray. « Protéger ceux qui croient est une priorité absolue ». Belle parole que celle tenue par le chef de l’Etat. Ce serait encore mieux si ces mots se trouvaient suivis d’effets réels. Même si dans le cas présent il ne s’agit aucunement d’un acte de terrorisme. Mais celui perpétré de sans-froid par un homme de 40 ans, originaire du Rwanda, réfugié en France depuis 2012. Bien connu des services de police. Et pour cause puisqu’il sortait, il y a à peine un mois, de détention provisoire et était placé, depuis sa libération, sous contrôle judiciaire après avoir mis le feu à la cathédrale de Nantes et y en occasionnant de gros dommages en juillet 2020.
Son placement sous contrôle judiciaire ne pouvait en aucun cas lui valoir une expulsion, hors de notre pays, comme l’a répété Gérald Darmanin.
Et dire aussi que l’ancien sacristain bénévole de la cathédrale nantaise avait été accueilli et hébergé par sa future victime au sein de sa communauté religieuse. Depuis seulement quelques semaines. Une charité et hospitalité bien mal récompensées aujourd’hui avec ce passage à l’acte criminel survenant aussi après que le mis en cause ait été placé en hôpital psychiatrique avant de revenir, il y a dix jours, à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Non loin de la capitale du mouchoir, Cholet. Où s’il s’est retourné dans des circonstances encore floues contre celui qui, toutes proportions gardées, s’était comporté comme le digne héritier de l’évêque de Dignes, Mgr Myriel, face à l’un des héros hugoliens de notre littérature, l’ex-forçat évadé, Jean Valjean. Son voleur ne s’était pas transformé lui en assassin! Et il ne s’agit pas là d’une fiction légendaire, les Misérables. Et pas davantage d’un vol. Mais d’un pardon face à l’offense déjà faite à l’Eglise. De l’agression mortelle d’un prêtre, ayant consacré toute sa vie sacerdotale à aider d’autres misérables et exclus. Mort pour avoir hébergé un homme très sérieusement perturbé.
L’horreur du geste et ses conséquences ne justifient néanmoins en aucun cas les premiers propos scandaleux tenus par Marine Le Pen et Philippe de Villiers. Une récupération politique tellement indigne.
Comment tolérer qu’une personnalité politique engagée dans la présidentielle profite de ce drame pour se répandre en déclarations abjectes. Elle souhaitait probablement se refaire une santé une médiatique en tirant la première. Une spécialité chez le Rassemblement national en pareil cas. Évidemment sur le gouvernement et tout particulièrement sur le ministre de l’Intérieur avec qui elle a engagé une partie de ping-pong juste indécente. Des deux côtés d’ailleurs.
Il ne suffit pas non plus d’un nouveau déplacement ministériel ou présidentiel certes légitime, nécessaire et minimal et de mots de compassion pour que l’opinion publique accepte la multiplication de ces gestes de fous. Expulsables ou pas. Dysfonctionnements de l’autorité judiciaire et psychiatrique ou pas. Mais au final une sidération à une grande échelle.
Cette odieuse « course à l’échalote » avec son ex-bras gauche au Rassemblement national, Florian Philippot, le soi-disant patriote tout aussi récupérateur de la lutte de rue des anti-pass qu’il exploite de façon éhontée, ne saurait être acceptable. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il ne faille pas, une fois encore, s’interroger sur le laxisme et l’inconséquence de la justice clouée au pilori, non sans raison. Et sur la sempiternelle impression de déjà vu de l’insuffisance de l’exécutif à répondre de façon efficace à cette exigence de réponses adaptées. Il est plus que temps! Trop longtemps. Nos gouvernements successifs et ça ne date pas de l’ère Macron, par angélisme, le plus souvent, de gauche comme de droite, ont échoué. Et les Républicains d’aujourd’hui, pour un certain nombre d’entre eux, oublient trop facilement qu’ils ont été aussi au pouvoir et ne sont pas forcément les mieux placés pour donner des leçons péremptoires. C’est tellement facile d’être dans l’opposition et de hurler avec les loups. Quant aux extrêmes de tous poils, est-il besoin d’insister sur leur médiocre exploitation d’un crime horrible.