Ce n’est malheureusement pas du cinéma. L’un de nos derniers monstres sacrés du cinéma français, Jean-Paul Belmondo, a effectué sa dernière cascade. Le « Magnifique » n’est plus et son complice de « Borsalino » que l’on présentait souvent comme son rival, Alain Delon, qui pleure à chaudes larmes son ami. Comme des millions de nos compatriotes sous le choc avec l’annonce de sa disparition, à l’âge de 88 ans. Bébel, même diminué par un AVC survenu il y a déjà vingt ans, restait une montagne. Un pic. Un roc. Une péninsule, comme Cyrano, l’un de ses rôles marquants sur les planches avec Kean. L’Everest aussi de la sympathie. Un « Cartouche » au grand cœur et l’interprète inoubliable et complice du « Vieux » comme le surnommait avec déférence Monsieur Delon, Jean Gabin, dans Le singe en hiver » tourné près de Trouville, à Villerville. Quel feu d’artifice tiré sur la plage de la petite station de la côte normande.
Nul doute que les deux compères de beuveries cinématographiques vont se prendre une belle cuite, là-haut ensemble, en souvenir du bon vieux temps, en compagnie du tout aussi inoubliable Lino! Un sacré trio indissociable des grandes années de notre cinéma. Et puis Bébel a tellement d’amis au paradis des acteurs.
La France est en deuil avec la perte de « Léon Morin prêtre » de cet amoureux du sport et surtout du noble art, la boxe, qui connut un « Itinéraire d’un enfant gâté » (l’un de ses films le plus émouvant au crépuscule de sa phénoménale carrière) son retour en grâce après quelques années de moindre succès sur le grand écran et au théâtre après ses années de Conservatoire. Il ne reste plus aujourd’hui dans cette bande de copains que Pierre Vernier. L’unique survivant de cette équipe prestigieuse dont il était le « taulier »: Jean-Pierre Marielle, Guy Bedos, Jean Rochefort, Claude Rich et le fidèle des fidèles ensuite « Charlot » Gérard!
Le vide dans lequel « L’as des as » se lançait ou sur les toits du métro parisien dans « Peur sur la ville » et ses incessantes cascades en hélicoptère, apparaît tellement encore plus grand avec ce clap de fin qui semblait certes se rapprocher avec l’âge. Mais que l’on ne pouvait pas concevoir et surtout affronter. En direct. Les immortels ne meurent jamais totalement! Les trésors nationaux restent pour toujours…Comme la musique du « Professionnel » et de son dernier chef-d’oeuvre en Sam Lion et le tournage pour les havrais du « Cerveau » sur les quais du paquebot France avec Bourvil. Un autre morceau de bravoure d’un « Guignolo » tant aimé…Adieu, casse-cou! Il avait appris à Richard Anconina dans le film de Claude Lelouch à dire bonjour. Et quel souvenir aussi que « Une ile » chantée par le grand Jacques Brel dans ce même film qui lui rapporta son seul César. Qu’il refusa.
Hier soir la France lui a adressé un chaleureux et tendre au revoir. Vos films, Monsieur, un « monstre de gentillesse » resteront bien vivants, eux, même si avec son départ, la vie n’est pas vraiment…Bébel, « L’Incorrigible Flic et voyou »…Il était tellement malicieux qu’il avait un jour répondu à l’un de ses amis: « finalement ce ne serait pas si mal que mon cercueil parte en hélicoptère »…Ce voeu qui n’en était pas un évidemment puisqu’il ne s’agissait que d’un clin d’oeil amusé et d’une boutade ne sera pas a priori exaucé jeudi lors d’un hommage national qui lui sera rendu dans la cour des Invalides, comme pour le grand Charles, Aznavour, en présence du chef de l’Etat. Et on n’en entendra pas davantage l’une des répliques de sa marionnette des Guignols: « Toc toc, badaboum ». Et comment ne pas se souvenir de cette scène de fin de Borsalino où Roc Siffredi, Alain Delon, ferme les yeux de son pote Cappella, Jean-Paul Belmondo…Mais là c’était de la fiction…